Reproduction

Le printemps est une saison vibrante d'énergie: les juments émettent des parfums enivrants qui font bouillonner le sang des étalons. Ces derniers se doivent non seulement de séduire les belles, mais ils ont aussi pour tâche de les conserver jalousement, ce qui ne va pas sans mal tant les compétiteurs sont nombreux et décidés. D'avril à juillet, la vie des chevaux est ponctuée de démonstrations destinées à intimider les adversaires. Tous les rituels sont amplifiés: conduite, menaces, combats, passages, courses-poursuites...

Les étalons ont une manière particulière de déceler la réceptivité des juments. En période de reproduction, une femelle qui urine provoque aussitôt l'arrivée de l'étalon. Il hume le sol mouillé, tend l'encolure et le tête vers le ciel puis retrousse fortement la lèvre supérieure, en découvrant les dents. Cette mimique, courante chez de nombreux ongulés, est appelée le flehmen. Tapissé de cellules olfactives, l'organe voméro-nasal autorise une analyse fine des odeurs, ce qui permet à l'étalon d'évaluer l'état hormonal de la jument. Souvent l'étalon procède à plusieurs inhalations avant de s'avancer et de "signer" l'endroit d'un court et puissant jet d'urine. De cette manière, il neutralise les phéromones émises par la jument et signifie sa propriété aux autres étalons. Le flehmen s'observe aussi lorsque l'étalon renifle la vulve de la jument avant de tenter une saillie. L'inspection du crottin d'une jument, d'un crottier, de sa propre urine ou simplement d'une odeur nouvelle suffit à déclencher le flehmen. Cette expression n'est d'ailleurs pas réservée aux seuls étalons. Les poulains maîtrisent le flehmen dès le premier jour et les juments se livrent également à cette mimique pour analyser une odeur.

La fin d'une période de repos, le bruit qu'émet la jument en urinant, un accouplement dans un harem voisin, une altercation avec un concurrent sont autant de stimuli qui plongent l'étalon dans une vive excitation. Sans transition aucune, il pousse un cri strident, surgit brusquement en pleine érection et après quelques flairages, dispose de sa partenaire.

Avant son premier accouplement, la jeune pouliche est souvent nerveuse et craintive. Face aux avances intempestives de l'étalon, elle peut même mâchouiller en signe de soumission. Dès qu'il fait mine de la contourner ou de la renifler, elle ne cesse de s'esquiver. La pouliche se sent irrésistiblement attirée par l'étalon, mais ne désire pas être prise de force. Pour cette raison, on peut l'observer partir au trot devant son "prétendant" ou lui décocher une ruade, pour s'immobiliser l'instant d'après à ses côtés. Ce comportement indécis et contradictoire, où les invitations vont de pair avec les rebuffades, prépare sans doute la jument à tolérer progressivement la proximité de l'étalon. Ce dernier n'a alors d'autre choix que de patienter et de l'amadouer pour la rassurer: il la renifle, la toilette avec délicatesse, la lèche. Parfois il repose sa tête sur sa croupe ou sur son dos pour l'habituer à son contact. Une cour naturelle qui autorise une intensification graduelle et mutuelle des rapports "amoureux". Ces liens de tendresse posent les jalons de la future fidélité de la jument. En revanche, les couples qui se connaissent depuis plusieurs années se passent généralement de préliminaires et jouissent d'accouplements sans heurts: après une brève salutation naseaux contre naseaux, la femelle expérimentée se tourne pour accueillir l'étalon.

Lorsqu'elle évolue dans un harem stable, la poulinière réceptive se présente souvent spontanément à l'étalon. L'œstrus de la femelle suit un cycle de trois semaines et les chaleurs proprement dites durent entre cinq et neuf jours. L'étalon ne cesse de flairer les excréments et la vulve de la jument en œstrus. Pour manifester son consentement, celle-ci s'immobilise, relève la queue sur le côté et se campe sur ses jambes arrière. Les lèvres de sa vulve sont animées de mouvement spasmodiques. Accompagné de l'émission de petites quantités d'urine, ce "clignement" (de l'allemand blinken) est un signal que l'étalon n'a aucun mal à décrypter. Cou arqué, naseaux dilatés, l'étalon émet des ébrouements sonores, se rapproche de la jument, flaire son encolure, ses aisselles et lèche ses parties génitales. Son investigation peut être ponctuée de plusieurs flehmen, puis il la monte en enserrant son abdomen de ses antérieurs. A la fin de l'acte, la jument fait un pas en avant, l'aidant à descendre plus facilement. Détendu, ce dernier reste quelques secondes immobile, puis il renifle le sol en émettant à nouveau un flehmen. La poulinière quand à elle, s'éloigne et allaite son poulain. Intrigué et inquiété par cet épisode, le petit s'empresse de téter pour être réconforté... une réaction typique au stress. Les chaleurs de poulinage (ou œstrus post-partum) interviennent en moyenne cinq à douze jours après la mise bas. Si la jument n'est pas fécondée, de nouvelles chaleurs apparaissent trente à quarante jours plus tard. Durant le reste de l'année, la majorité des juments sont en période d'inactivité ovarienne.

Une jument qui n'est pas encore réceptive adopte des postures suffisament claires à l'approche de l'étalon pour être bien comprise de ce dernier. Oreilles rejetées en arrière, attitude menaçante, elle pointe son arrière-train vers le mâle, prête à lui décocher une ruade d'une précision infaillible. Si le prétendant passe outre et tente néanmoins de la couvrir, il voit jaillir un sabot à une vitesse fulgurante, qui lui inflige une douleur cuisante à la poitrine ou à l'épaule.