Comme
tout être vivant, le cheval perçoit son environnement par
l'intermédiaire de ses sens. Les informations ainsi captées sont
analysées pour permettre à l'individu d'adapter ses réactions au
milieu. Animal social, le cheval est également en mesure de comprendre
les signaux émis par ses congénères et d'y répondre par des
comportements appropriés.
LES CINQ SENS TOUJOURS EN EVEIL
Les
sens travaillent toujours de concert. Ainsi, le cheval en alerte tente
de localiser le danger par la vue, tout en cherchant à identifier
olfactivement sa nature en humant l'air et à détecter tout bruit
suspect en pointant les oreilles. Les chevaux ont parfois quelques
difficultés à reconnaître une silhouette à contre-jour. Face à un
danger qui ne semble pas imminent, ils préfèrent contourner l'intrus
pour "prendre le vent".
La vue
La
nature a forgé un animal de steppe, aux défenses limitées, mais rapide
dans sa course et prompt à la localisation de prédateurs en milieu
ouvert. Sa vision est par conséquent fort développée. Placés de part et
d'autre de la tête, les yeux saillants et mobiles profitent d'un large
champ de monoculaire de 180° chacun. Le cheval bénéficie donc d'une
vision panoramique sur environ 350°, ce qui lui permet de déceler le
moindre mouvement. Toutefois, l'implantation latérale des yeux induit
plusieurs zones aveugles; la plus importante correspond à une étroite
bande vers l'arrière. Le cheval pâtit également d'angles morts devant
le front et sous le menton. Cet handicap est compensé par une encolure
mobile et flexible. En une fraction de seconde, il peut tourner la tête
pour surveiller ses arrières. Cette perception très fine des mouvements
compense largement sa faible acuité visuelle. En effet, le cheval
perçoit moins bien les détails que l'humain.
Contrairement
à l'important champ de vision binoculaire des prédateurs, celui du
cheval ne dépasse guère 80°. Orientée vers le bas, vision centrale
binoculaire autorise l'évaluation des distances et la perception du
relief. Le cheval qui avance sans contrainte voit donc parfaitement
bien le sol devant lui, mais ne distingue pas ce qui se trouve vers le
haut, un peu comme si une visière restreignait son champ de vision.
La perception des couleurs est très limitée chez le cheval. En revanche, il jouit d'une parfaite vision nocturne.
L'ouïe

Particulièrement
mobiles, les oreilles en forme de cône se tournent vers la source d'un
bruit comme deux paraboles indépendantes. L'une peut être pointée vers
l'avant tandis que l'autre, dirigée vers l'arrière ou sur le côté,
reste attentive aux sons environnants. Sans rivaliser avec celle du
chien, l'ouïe du cheval est néanmoins supérieure à celle de l'homme.
Son maximum de sensibilité se situe entre 500 hertz et 16 kilohertz, de
sorte qu'un cheval peut discerner une large gamme de sons, qu'il
s'agisse d'un bruissement d'herbes trahissant l'approche d'un
prédateur, du cri d'alarme d'un chien de prairie ou de signaux sonores
émis par ses congénères.
L'odorat
Pour
l'humain à l'odorat atrophié, il est difficile de se représenter le
monde olfactif des chevaux. L'odorat joue un rôle primordial dans leur
communication pour la reconnaissance individuelle, l'analyse des
excréments, l'identification du poulain par sa mère, l'appréciation
hormonale de la jument... Il intervient également dans la distinction
du parfum de certaines plantes, la localisation de liches, la détection
des effluves d'un prédateur ou des premiers signes d'un incendie... En
période de disette, les chevaux recherchent des racines qu'ils
détectent grâce à leur odorat, et localisent des plantes sous la neige.
Le goût
A
l'instar de celle de l'homme, la langue du cheval est dotée de papilles
gustatives sensibles au salé, au sucré, à l'acide et à l'amer. Le goût
est intimement lié à l'odorat dans toutes les situations où ces sens
sont sollicités, qu'il s'agisse de la toilette postnatale du poulain,
de l'analyse de la réceptivité de la jument ou de l'ingestion de
plantes. Au cours du flehmen, il semble que le cheval sente et goûte
simultanément les odeurs transmises à son organe voméro-nasal.
Le toucher
L'épiderme
du cheval possède une grande sensibilité tactile. A peine une mouche se
pose-t-elle sur l'épaule d'un cheval que sa peau tressaille! Les zones
les plus sensibles sont les lèvres, le bout du nez garni de vibrisses,
les paupières et les oreilles. Cette sensibilité tactile s'exprime au
cours des activités de confort comme le grattage, la roulade ou le
grooming social.
UNE SENSIBILITE EXTREME
L'humain
dispose d'un langage visuel essentiellement basé sur ses postures et
les expressions de son visage doté de multiples muscles faciaux. Le
cheval, moins démonstratif, se fie à des signaux beaucoup plus discrets
pour échanger des informations avec ses congénères. Du bout du nez à la
pointe de la queue, les chevaux semblent communiquer en permanence. Un
léger mouvement d'oreille, le tressaillement des naseaux, un
fouaillement de la queue, rien n'échappe au cheval. Il n'est donc pas
surprenant qu'il décèle les émotions humaines comme la peur, la colère
ou la nervosité. Il perçoit nos plus infimes changements de posture
ainsi que les modifications “micrométriques” de nos tensions
musculaires. Sans doute sommes-nous aussi trahis par nos odeurs
corporelles, qui émettent des messages olfactifs à peine perceptibles
par l'homme mais significatifs pour l'odorat aiguisé du cheval.
La proprioception
Similaire
au toucher mais méconnu, ce sens renseigne le cheval sur la position de
chacun de ses membres dans l'espace, contribuant ainsi à son équilibre.
Il l'informe de la tension de ses muscles et de l'angle de ses
articulations. Il ne s'agit pas d'un organe sensitif comme les naseaux
ou l'œil, ni d'une région cérébrale, mais plutôt d'un réseau nerveux.
La nature du sol également perçue grâce à la proprioception.
Des capteurs barométriques
Véritables
baromètres ambulants, les chevaux sont capables de prévoir une
dégradation météorologique. Sans doute parviennent-ils à détecter les
variations de pression ou d'humidité atmosphériques (hygroréception).
La sensibilité aux champs électriques et magnétiques serait aussi à
l'origine de certains aspects de l'orientation spatiale ou de la
prévision d'une catastrophe naturelle.
Une jument leader avait ainsi
pour habitude de quitter l'alpage une quinzaine d'heures avant
l'arrivée du mauvais temps. Lors d'un printemps particulièrement
perturbé, elle a un jour entraîné son harem dans la vallée, située à
plus de quinze kilomètres, 24 heures avant une violente tempête de
neige, afin de ne faire courir aucun risque d'hypothermie à son poulain
âgé de quelques jours. Le harem n'a regagné l'alpage que trois jours
plus tard, lorsque l'herbe des sommets était redevenue accessible.